• Ci-dessous ma chronique BRICS du 22 mars 2012 dans La Tribune

    Au cours des trois dernières années, la Chine a montré un intérêt croissant pour l'acquisition d'actifs économiques en Europe. Cela concerne aussi bien des infrastructures de transport et de logistique comme le port du Pirée en Grèce ou celui de Naples en Italie, des entreprises énergétiques comme GDF Suez dont le fonds souverain CIC a acquis 30% du capital de la branche "Exploration et production", ou l'électricien portugais EDP (Energias do Portugal) dans lequel le groupe China Three Gorges a pris une participation de 20%, que des marques de luxe à l'instar de Sonia Rykiel récemment vendue à des investisseurs hongkongais.

    D'aucuns parlent d'une prochaine invasion de l'Europe par des capitaux chinois, ou évoquent une braderie des actifs stratégiques européens sur fonds de crise de la dette souveraine. Tout cela est très exagéré. Les investissements directs chinois en Europe restent pour l'instant limités, tant en volume qu'en nombre d'opérations ou en pays concernés. Comme l'a souligné l'économiste Françoise Lemoine dans une étude récente, l'Europe ne représentait fin 2010 pour la Chine que 5% du stock de ses investissements à l'étranger. Par ailleurs, le volume des investissement chinois en Europe demeure sans commune mesure avec le volume des investissements européens en Chine. Certes, le phénomène tend à s'accélérer depuis 2010 mais cela est surtout lié à l'internationalisation souhaitée par Pékin de sa monnaie, le renminbi ou yuan, afin de limiter l'accumulation d'excédents courants, de freiner l'appréciation du taux de change qui en résulte, et d'obtenir de meilleurs rendements sur ses colossales réserves en devises, dont une part prédominante est investie en titres d'Etat américains et, accessoirement, européens.

    Cette question a d'ailleurs fait l'objet d'une demi-journée d'échanges organisée en janvier dernier à l'Assemblée Nationale par le Club Emergences, un club d'affaires dédié aux développement des relations entre les décideurs européens et leurs homologues des pays émergents. Au fil des témoignages (dirigeants d'entreprises, banquiers et investisseurs en capital), il en ressortait que le potentiel d'accroissement des investissements chinois en Europe était encore considérable, et qu'il répondait à une véritable attente de la part des entreprises européennes, grandes ou moyennes, afin de soutenir leur internationalisation et de développer leurs relations d'affaires avec des groupes chinois. A titre d'exemple, on peut citer le partenariat entre le conglomérat chinois privé Fosun et le Club Méditerranée, avec une prise de participation du premier au capital du second, afin de développer une offre touristique haut de gamme en Chine. Cela passe aussi par un accès facilité des entreprises européennes au financement en renminbi, y compris en dehors de la Chine continentale, grâce notamment à l'accord signé fin 2011 entre Londres et Pékin pour faire de la City un centre majeur des relations financières sino-européennes.

    De manière générale, l'internationalisation des entreprises chinoises avec ou sans l'appui des fonds souverains (CIC, SAFE) et des grandes banques chinoises n'en est encore qu'à ses débuts. A mesure que le capitalisme chinois s'internationalisera, on devrait assister à une banalisation des opérations transfrontalières et trans-régionales qui devraient atténuer les craintes d'une supposée "main basse" de la Chine sur l'Europe. Comme cela s'est passé avec les multinationales américaines après la seconde guerre mondiale et japonaises dans les années 1960-1970, les multinationales chinoises devraient développer un ethos plus "internationaliste", et favoriser l'accélération de la libéralisation économique et politique en Chine. La question de l'accès des entreprises européennes aux marchés publics chinois - à travers leurs partenaires - pourrait notamment s'en trouver facilitée. Cela ne suffira sans doute pas à dissiper les craintes et les malentendus de part et d'autre, mais dans un monde multipolaire où les grands pôles de puissance sont de plus en plus interdépendants, une analyse centrée sur une vision étroite de la souveraineté économique n'est pas seulement anachronique, elle est aussi dangereuse.

    22/03/2012

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  • L’Europe et les pays émergents

    Dans son cycle de débats sur les relations internationales , le Mouvement européen « Paris-Sud » vous propose une conférence-débat sur le thème :

    « L’Europe et les pays émergents »

    Alexandre Kateb, économiste et maître de conférence à Sciences Po, est l’auteur de l’ouvrage « Les nouvelles puissances mondiales, pourquoi les BRIC changent le monde » (Ellipses, mai 2011). Après la domination des puissances occidentales pendant deux siècles à la faveur de la révolution industrielle, la course à la mondialisation a permis à de nouveaux pays « d’émerger » à partir des années 1980… Pourquoi et comment certains pays ont réussi leur décollage, qui leur permet de compter dans le nouveau monde multipolaire d’aujourd’hui ? C’est pour répondre à cette interrogation qu’ Alexandre Kateb s’entretiendra avec vous. Inscrivez-vous en cliquant sur le lien : « émergents » Ou par courriel à info@europe-parissud.fr
     


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  • Le 24 Novembre 2011 de 18:00 à 20:30 : L'AMERIQUE LATINE DANS UN MONDE EN TRANSFORMATION

    Sciences PO Alumni Affaires Internationales: Division Amérique Latine

     

    Conférence

    L'Amérique latine dans un monde en transformation.

    Jeudi 24 novembre de 18h à 20h30 au CERI

      

    Deux tables-rondes seront consacrés aux thèmes suivants

     

    - La croissance et l'intégration régionale:

    • Alain Lipietz (économiste, ancien député européen et président du groupe du Parlement européen sur la CAN)
    • Carlos Quenan (économiste et vice-président de l’Institut des Amériques) 
    • Rolando Avendano (bureau des Amériques, centre de développement de l’OCDE) 
            Modérateur : Alexandre Kateb (économiste, cabinet de conseil compétence finance).


    -  Les enjeux environnementaux:

    Julien Calas (expert biodiversité, AFD)
    Carlos Alberto Jativa Naranjo 
    (ambassadeur de l’Equateur en France) 
    Alain Lipietz 
    (économiste, ancien député européen) 
    David Dumoulin
     (IHEAL)
    Modératrice : Corinne Arnould 
    (association Paroles de Nature).

    Grand témoin : Xavier Ricard (Comité catholique contre la faim, directeur des partenariats internationaux)

     

    Information : latam@sciences-po.asso.fr

     

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  • Logo MEDAYS 2011 

    MEDAYS 2011 

    Le Sud dans la gouvernance globale

    PANEL A5 : GUERRE DES MONNAIES

    Samedi 19 novembre 2011 à Tanger

    Depuis l’effondrement du système de Bretton Woods, l’absence de cadre de fixation multilatéral des taux de change a mené à un environnement dominé par le chacun pour soi, dans lequel chaque Etat s’est retrouvé libre de poursuivre ses propres intérêts.

    L’arme monétaire est ainsi redevenue un outil privilégié d’intervention des Etats en faveur du développement commercial, en leur permettant de gonfler artificiellement leur compétitivité. L’intervention chinoise sur le renminbi, dont on estime la valeur sous-évaluée de près de 40%, a ainsi joué un rôle majeur dans le développement économique du pays par ses exportations.

    L’amplification des phénomènes de manipulation monétaire s’est traduite par une augmentation de la spéculation internationale sur les monnaies. Les pays qui refusent l’interventionnisme ont vu leurs monnaies s’envoler, avec des conséquences parfois désastreuses pour leur compétitivité.

    Par des opérations dites de carry-trade, les spéculateurs profitent des différentiels de taux d’intérêts – très faibles dans les pays développés – pour investir dans les pays en développement. Au Nigéria et dans la zone Franc, les monnaies se sont appréciées de 10% à 15% au cours des 6 derniers mois. L’appréciation a même atteint 28% dans la zone rand, faisant planer la crainte de bulles spéculatives.

    Pour les économies d’Afrique dollarisées ou arrimées au dollar – RD Congo, Zimbabwe -, l’assouplissement quantitatif américain mène au renchérissement des produits de première nécessité pour les populations les plus vulnérables.

    Plus que jamais, il est urgent pour les pays d’Afrique de s’immuniser contre les travers de la dérégulation des échanges financiers et des fluctuations monétaires. Face à l’absence de consensus sur une réforme de l’architecture financière internationale, à eux d’ouvrir la voie en proposant des solutions à l’échelle régionale.

    LES POINTS CLEFS DU DEBAT :

    • Quelles sont les conséquences du jeu monétaire des grandes puissances pour les pays du Sud ?
    • Les pays du Sud peuvent-ils se prémunir contre les fluctuations monétaires ?
    • Comment réguler l’afflux de capitaux spéculatifs sur les marchés africains ?
    • Pour un Fonds Monétaire Africain ?

    LES INTERVENANTS

    • Dr. Sanussi Lamido Sanussi, Gouverneur de la Banque Centrale du Nigéria
    • Mrs. Scheila M'Mbijjewe, Membre du Comité Monétaire de la Banque Centrale du Kenya
    • Pr. Turalay Kenç, Vice-Gouverneur de la Banque Centrale de Turquie
    • Karim El-Aynaoui, Directeur de la recherche et des relations internationales, Bank Al-Maghrib

            Modérateur : Alexandre Kateb, Directeur général de COMPETENCE FINANCE


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  • Je me suis exprimé à diverses reprises ces derniers temps sur le rôle des BRICS dans le sauvetage de la zone euro.

    Intervention au journal de France Culture du 27/10/2011 à 18h

    Journal d'information Journal de 18h  Ecoutez l'émission

     

    Interview pour le journal Libération le 14/09/2011

    Crise de la dette : «Les Brics sont en position de force»

    Interview Les grands pays émergents songent à venir en aide à l'Europe. «Un véritable retournement» pour ceux qui ont longtemps été économiquement inféodés à l'Occident, analyse l'économiste Alexandre Kateb.

    Propos recueillis par Laura Thouny

    Les grands pays émergents discuteront la semaine prochaine de la possibilité de venir en aide à l'Union européenne engluée dans la crise de la dette, a indiqué ce mardi le ministre brésilien des Finances Guido Mantega. (REUTERS)

    Alors que les pays de la zone euro traversent une crise majeure de leurs dettes souveraines, les grands pays émergents (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) ont fait savoir qu'ils allaient discuter la semaine prochaine de la possibilité de venir en aide à l'Europe. Tout un symbole, nous explique Alexandre Kateb, économiste, directeur de Competence Finance et maître de conférence à Sciences-Po.

    En quoi l'annonce des Brics est-elle symbolique ?

    C'est un véritable retournement. Un bouleversement du centre de gravité de l'économie financière de la planète. Les pays émergents ont été aidés par les pays développés durant les années 1990 lorsqu'ils étaient traversés par des crises. Aujourd'hui, l'inverse va peut-être se produire.

    A l'aune de cette crise, les pays émergents apparaissent désormais comme les plus solides. Ils sont en position de force. Se portent garants de la croissance économique mondiale et de la santé des pays européens en convalescence ou gravement atteints. Et sont prêts à prendre une responsabilité plus grande dans la gouvernance économique et financière mondiale. C'est très fort symboliquement.

    Il faut dire que par le passé, les Brics ont longtemps été économiquement inféodés à l'occident.

    Parmi les Brics, le seul pays qui a conquis très tôt son autonomie est la Chine. A partir de 1949 et pendant les années de libéralisation sous Deng Xiaoping, elle n'a jamais souscrit une dette importante au niveau international.

    La Russie, l'Inde, le Brésil... Tous les autres grands pays émergents ont en revanche eu recours à l'aide internationale via le FMI ou bien à travers les aides du Trésor américain.

    L'Inde a eu recours au FMI en 1991 pour éviter une crise de sa balance courante après plusieurs crises économiques. En contrepartie, le Fond monétaire exige alors une libéralisation de son économie et une gestion très prudente au niveau macroéconomique.

    Pendant des années, la Russie a été portée à bout de bras par le FMI, mais celui-ci ne parvient pas à éviter le défaut de la dette souveraine russe en 1998. Elle aussi a dû mettre en place des réformes économiques majeures.

    Le Brésil a quant à lui connu des crises à répétition pendant les années 1980 et 1990. La dernière, qui date de 1999, a mené à une dévaluation très forte de sa monnaie vis-à-vis du dollar. Le FMI lui est alors venu en aide, et lui a imposé une remise en ordre économique. Il a aussi demandé au Brésil des privatisations et des dégraissages massifs parmi les fonctionnaires. Plusieurs millions d'emplois ont été perdus. Depuis, le pays a pris ses distances vis-à-vis du FMI.

    On se doute que les Brics ne proposent pas leur aide à l'Europe par altruisme. Quel intérêt auraient-ils à acheter davantage d'obligations européennes?

    En soutenant la zone euro, ils se soutiennent eux-mêmes. Leurs économies sont dépendantes de la croissance de la zone euro. Les Brics ne veulent pas que le moteur de la consommation s'arrête en Europe. C'est particulièrement vrai pour la Chine. Et le Brésil et la Russie seraient très impactés par ricochet en cas de récession mondiale, car ils fournissent les matières premières. L'Europe absorbe les deux tiers des exportations énergétiques russes.

    Investir davantage dans les obligations européennes permettrait également aux Brics de réduire leurs dépendance vis-à-vis du dollar. Notamment pour la Chine, qui dispose de 3000 milliards de réserve de change. Elle a toutes les réserves nécessaires pour venir au secours de l'euro tout en diversifiant ses risques et en prenant pied dans la zone euro. Ce faisant, elle permet aussi à ses entreprises d'être accueillies plus positivement dans la zone. C'est donnant-donnant.

    Soutenir l'euro, c'est également favoriser la consolidation de cette monnaie, véritable alternative au dollar, et donc sortir de l'hégémonie américaine.

    Les Brics pourront-ils observer une coordination politique pour venir en aide à l'Europe ?

    C'est surtout le symbole qui est recherché. Après, chaque pays va mettre en oeuvre les mesures qu'il jugera conformes à son intérêt. En terme de diversification des réserves de change, par exemple, la Chine n'a pas la même marge de manoeuvre que l'Inde.

    Il y aura en tout cas des signaux forts pour montrer que les Brics vont soutenir l'euro et augmenter leurs achats d'obligation. Pas question pour eux d'acheter de la dette grecque ou portugaise. Mais plutôt de la dette allemande ou française, voire italienne. Les Chinois souhaitent notamment acheter des obligations en Italie. Mais ils sont prudents. Ils sont prêts à prendre des risques en pensant au long terme, mais ils ne veulent pas non plus hypothéquer leur trésor de guerre.

    Concrètement, cela pourra rassurer les marchés, montrer que les pays européens ne sont pas les seuls à se préoccuper de la crise de la zone euro. Et qu'une solution internationale peut être mise en place.

    Alexandre Kateb est économiste, directeur de Competence Finance et maître de conférence à Sciences-Po. Il a écrit «Les nouvelles puissances mondiales : pourquoi les Brics changent le monde» aux éditions Ellipses.


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