• J'ai participé à l'émission "Géopolitique : le débat" sur Radio France International consacrée à la situation en Tunisie et en Egypte.




    Géopolitique le Débat - Dimanche 13 février 2011
    La Tunisie

    Présentée par Marie-France Chatin

    Il y a un mois, le président Ben Ali quittait la Tunisie au plus fort de la révolution de Jasmin. La Tunisie est-elle en train de vivre sa vraie indépendance ? Quel rôle pour l’Europe face aux évènements de la rive Sud de la Méditerranée ?

    Invités :

    - Pierre Vermeren, enseignant à Paris 1. Auteur de « Maghreb la démocratie impossible ? » Fayard et « Le Maghreb », éd. Le Cavalier bleu.

    - Jean-François Coustilliere, contre-amiral (2S) et directeur de JFC Conseil.

    - Alexandre Kateb, économiste. Maître de conférences à Sciences Po.

    La Tunisie

     


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  • Dans mon article publié dans le journal Le Monde daté du 22 janvier 2011, je replace dans une perspective longue la situation au Maghreb et je développe ses implications géopolitiques pour l'Europe.

    Un enjeu géostratégique pour l'Europe

    LEMONDE | 21.01.11

    La situation tendue en Algérie et en Tunisie attire l'attention sur cette région, enjeu géopolitique et géostratégique fondamental pour l'Europe. C'est en effet du Maghreb qu'est issue la majorité des immigrés qui vivent en France, en Espagne ou en Italie, et qui entretiennent des liens forts avec leurs parents restés de l'autre côté de la Méditerranée. C'est aussi du Maghreb que sont originaires la plupart des groupes terroristes qui ont frappé l'Europe dans les années 1990 et 2000, transposant sur le terrain européen les actions menées dans leurs pays d'origine.

    Sur le plan économique, l'Union européenne (UE) satisfait une partie de ses besoins énergétiques en important des hydrocarbures d'Algérie et réalise une partie croissante de ses opérations industrielles en Tunisie et au Maroc. Ces pays constituent en outre une destination privilégiée pour les touristes européens - et de plus en plus pour les retraités - en quête de soleil et de services à prix "discount".

    Pour toutes ces raisons, on ne peut pas se désintéresser de ce qui se passe là-bas. Mais, pour comprendre les manifestations de colère et de désespoir de la jeunesse maghrébine, il est indispensable d'analyser les causes du chômage de masse et de la "mal-vie" qui touche la jeunesse de ces pays. La première de ces causes est démographique. Les pays du Maghreb ont en effet accompli dès les années 1980 leur transition démographique, avec une baisse drastique de la natalité. Le phénomène "islamiste" n'est que l'une des manifestations de ces crises qui bouleversent le système patriarcal traditionnel en vigueur bien avant l'arrivée de l'islam.

    L'essor démographique de ces pays avant l'achèvement de leur transition a généré une formidable croissance de la population des moins de 30 ans. Cette jeunesse urbanisée qui représente plus des deux tiers de la population a bénéficié d'une éducation qui la rend sensible aux réalités contemporaines et suscite un sentiment de frustration d'autant plus marqué.

    Nouveaux contrats sociaux

    L'exode rural massif qui a accompagné la transition démographique a en effet engendré un Lumpenproletariat urbain agglutiné dans des banlieues dortoirs. La généralisation de l'économie informelle, seule stratégie de survie en dehors de l'émigration, ne fait qu'accentuer l'exaspération des jeunes face aux phénomènes de corruption, de népotisme et de clientélisme, aggravés par une bureaucratie tatillonne et corrompue, et par des mesures comme le contrôle des changes en Algérie, qui empêche les entreprises locales de se développer.

    Mais ce n'est pas là une spécificité du Maghreb. Ce sont les conséquences d'un développement déséquilibré, fondé sur une base étroite - exploitation de la rente des hydrocarbures en Algérie, tourisme et immobilier en Tunisie et au Maroc -, qui montre ses limites. Il ne faut pas non plus négliger les obstacles externes aux stratégies de diversification mises en oeuvre par ces pays. La déréglementation des barrières tarifaires, dans le cadre des négociations d'adhésion à l'Organisation mondiale du commerce (OMC) et des accords d'association avec l'UE pèse sur le développement d'une industrie nationale peu compétitive face aux produits importés. Les règles de l'OMC limitent en effet les mesures de politique industrielle que ces pays pourraient mettre en place, contrairement à la situation dont ont bénéficié la Corée du Sud, Taïwan et Singapour dans les années 1970 et 1980, et la Chine jusqu'en 2001.

    Enfin, la dépendance à l'égard de l'UE, premier client et premier fournisseur de la zone, explique la forte sensibilité de ces pays vis-à-vis de la conjoncture mondiale. En l'absence de véritables instruments de soutien - le budget alloué à l'UE pour la Méditerranée étant ridicule par rapport aux aides structurelles attribuées aux pays d'Europe centrale et orientale (PECO) dans les années 1990 -, les difficultés économiques se traduisent par une explosion politique et sociale, dans des pays connaissant un statu quo sur le plan institutionnel.

    Il n'existe pas de remède miracle pour sortir d'une telle situation. Sur le plan politique, la solution ne peut venir que de l'intérieur, par l'élaboration de nouveaux contrats sociaux et l'achèvement de transitions politiques qui marquent la fin d'un cycle long amorcé avec les indépendances. En revanche, nous pouvons faciliter l'insertion de ces pays dans la mondialisation, en leur proposant un véritable contrat régional qui préserve leurs industries et stimule la création d'emplois. Il en va de l'intérêt de l'Europe, car la rive sud de la Méditerranée est un allié indispensable dans le cadre des grandes recompositions géopolitiques du XXIe siècle.

    Alexandre Kateb, économiste, maître de conférences à Sciences Po


    Cet article fait partie d'un dossier spécial consacré par le journal Le Monde à la révolution tunisienne

    Voir tous les articles du dossier spécial

     

     


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  • A l'occasion de la parution du numéro 56 de la Revue Géoéconomie, consacré à la diplomatie économique, auquel j'ai participé (voir le sommaire de la revue), l'Institut Choiseul organise une conférence sur ce thème le 16 décembre 2010 au Bureau de Représentation de Taïwan à Paris. Je serai l'un des intervenants à cette conférence.

    A l’occasion de la parution du dernier numéro de la revue Géoéconomie (PDF), l’Institut Choiseul a le plaisir de vous inviter à :

    Conférence-débat :

    “La diplomatie économique: enjeux et pratiques”

    Jeudi 16 décembre de 18h à 20h,
    Bureau de représentation de Taipei en France,
    78, rue de l’université, 75007 Paris.

    Modérateur :
    Didier LUCAS,
    Directeur de l’Institut Choiseul

    Intervenants :
    Claude REVEL,
    Coordinatrice de Géoéconomie N°56
    Présidente et fondatrice d’IRIS Action
    Alain BOINET,
    Directeur général et fondateur de Solidarités international
    Marc FRAYSSE,
    Directeur des relations institutionnelles, Cofely – GDF-Suez
    Alexandre KATEB,
    Directeur général du cabinet Compétence Finance
    Son Excellence Michel Ching Long LU,
    Représentant de Taïwan en France
    François PITTI,
    Conseiller du commerce extérieur de la France

    Cette conférence est organisée en partenariat avec le Bureau de représentation de Taipei en France.

    L’inscription à cette manifestation est obligatoire : bulletin de réponse PDF.

    Merci de bien vouloir transmettre l’information à vos contacts susceptibles d’être intéressé par cette conférence.

     


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  • Je reproduis ici le texte d'un article récemment publié sur le site LesEchos.Fr

    La crise financière a mis en lumière la résilience des économies émergentes et la nécessite de réformer le système monétaire international.

    Le forum MEDAYS 2010 organisé par l'Institut Amadeus à Tanger du 11 au 13 novembre 2010 m'a invité à débattre avec d'autres intervenants de haut niveau (banquiers centraux, responsables du secteur privé, représentants des institutions internationales et des gouvernements) sur la résilience des économies du Sud face à la crise. Pourquoi une telle résilience ? Quel avenir pour ces économies ? Peut-on réformer le système monétaire international et de quelle manière ? Analyse et éclairages en tois questions-réponses.

    Comment expliquer la résilience des pays émergents face à la crise ? D'une part, elle s'explique par les efforts considérables d'assainissement macroéconomique que ces pays ont consenti au cours de la décennie qui a précédé la crise de 2007-2008. Des pays comme le Brésil ou la Russie ont été confrontés à des crises systémiques d'une rare violence dans les années 1990, et en ont tiré les leçons en matière de gouvernance économique et financière : discipline budgétaire et fiscale, taux de change flottant et recentrage de la politique monétaire sur l'objectif d'inflation, amélioration de la transparence des entreprises publiques et privées, développement d'une base d'investisseurs institutionnels locaux, etc.

    D'autre part, cette résilience s'explique par la mobilisation d'un "trésor de guerre" monétaire, c'est à dire des réserves en devises accumulées par ces pays au cours du "super-cycle" de croissance des années 2000 qui a permis un transfert de richesse sans précédent du Nord vers le Sud. Pour lutter contre l'appréciation tendancielle de leur taux de change et maintenir leur compétitivité externe, la plupart des pays émergents, à commencer par la Chine, ont eu recours à des interventions sur le marché des changes qui se sont traduites par une accumulation de devises.

    Enfin, cette résilience est due à l'essor de la demande domestique dans ces pays, dans un contexte de stabilité macroéconomique retrouvée et d'afflux de capitaux externes qui ont alimenté la dynamique de l'investissement et de la consommation, à travers un accès facilité au crédit pour les populations locales et un effet richesse liée à l'appréciation des actifs financiers et immobiliers.

    La disctinction entre émergents et "émergés" est trompeuse

    Dans quelle mesure le rapport de force émergent / émergé a-t-il évolué ? Premièrement, la crise a montré que la distinction entre émergents et "émergés" était dans une certaine mesure artificielle et trompeuse. Des pays qu'on croyait émergés comme l'Irlande, la Grèce ou le Portugal ont été beaucoup plus impactés par la crise que des pays émergents comme la Turquie, l'Argentine ou l'Afrique du Sud. Sans parler des BRIC qui ont su rebondir rapidement en utilisant leurs atouts économiques et financiers, et en réorientant leur économie vers la demande intérieure.  

    Deuxièmement, la crise a fait apparaître la nécessité de passer d'un mode de gouvernance fondé sur les décisions d'un club restreint de pays riches, le G7, à un mode de gouvernance élargi aux grandes économies émergentes, avec la consécration du G20. Cela ne va pas sans poser de problèmes car l'action collective est beaucoup plus difficile dans un cadre comprenant des acteurs hétérogènes aux intérêts divergents, que dans le cadre d'un "gentlemen's club" occidental fondé sur une convergence objective d'intérêts. C'est ce qui explique les résultats décevants du G20 lorsque l'on quitte les questions "techniques" comme la régulation bancaire, et que l'on aborde des questions éminemment politiques comme celle d'un nouvel ordre monétaire mondial.

    Troisièmement enfin, la crise a permis de mettre en évidence les insuffisances d'un mode de gouvernance fondé sur l'hégémonie américaine, dès lors que la puissance hégémonique privilégie l'unilatéralisme à l'action collective. On retrouve le "privilège exorbitant du dollar" dénoncé par le Général de Gaulle, dans les mesures de politique monétaire de la Réserve Fédérale, avec le Quantitative Easing II (QE II) qui consiste à innonder le marché de liquidités pour endiguer le risque de déflation. Or, si les Etats-Unis sont seuls à décider de leur politique monétaire, cette dernière a des répercussions mondiales, comme le montre le "tsunami de capitaux" - selon l'expression de Nouriel Roubini - qui se déverse actuellement sur les pays émergents, et les pressions baissières sur le dollar qui poussent ces pays à utiliser tous les moyens possibles pour freiner l'appréciation de leur monnaie.

    Peut-on retrouver la stabilité monétaire et financière du système de Bretton Woods ? Elaboré en 1944, il reposait sur la volonté et la capacité des Etats-Unis à assumer leur rôle de fournisseur en dernier ressort de ce "bien public international" qu'est la stabilité financière et monétaire. Si ce système a échoué c'est parce que la capacité et la volonté des Etats-Unis à assumer leur rôle a décliné au fil du temps, comme cela avait été le cas pour la Grande-Bretagne avec l'étalor-or, abandonné suite à la dévaluation de la livre sterling en 1931.

    Un ordre monétaire doit en effet refléter avant tout les grands équilibres économiques réels entre les économies de la planète. Or ces équilibres évoluent en permanence, au gré des différentiels de productivité et de croissance, et toute fixation des parités à un niveau donné ne fait que retarder les nécessaires ajustements impliqués par cette dynamique. 

    C'est contre la volatilité des changes qu'il faut concentrer les efforts

    Ce qui est important en effet ce n'est pas tant le niveau des parités - il est fort peu probable que l'on revienne à un système de changes fixes institutionnalisé comme le système de Bretton Woods - mais le caractère heurté ou non de la dynamique des changes. C'est en effet contre la volatilité des changes qu'il faut lutter et concentrer tous les efforts. Le passage d'un débat sur les parités à un débat sur la volatilité permettrait de recueillir un très large consensus. Indirectement, il permettrait aussi de révéler la valeur fondamentale des devises, obscurcie par les fluctuations financières erratiques à court terme. Enfin, une baisse de cette volatilité réduirait les risques liés au développement des produits dérivés, dont la justification première est de couvrir cette volatilité. Cela entraînerait une réduction des marges du secteur financier qui pourra être transférée vers le financement du développement, la lutte contre la pauvreté et la prévention du changement climatique.

    Quels instruments dans la pratique pour atteindre cet objectif ? Plusieurs outils existent pour réaliser cette baisse de la volatilité sur le marché des changes. Il peut s'agir des contrôles de capitaux, dès lors qu'ils sont utilisés à bon escient comme le montrent les exemples du Chili, du Brésil ou de la Malaisie, même s'il est difficile de faire la part des choses entre des capitaux spéculatifs et des capitaux vertueux. Le risque avec les contrôles de capitaux est d'aboutir à un système non coopératif où chaque pays prendrait les mesures qu'il juge adéquates, sans concertation avec les autres pays. 

    Cela peut aussi passer par l'instauration d'une taxe Tobin au niveau international, dont le produit pourrait directement alimenter les fonds destinés à financer le développement et la lutte contre le changement climatique. La difficulté consiste dans la détermination de l'assiette de cette taxe étant donné le caractère très mobile des flux de capitaux, et le développement de solutions de contournement comme les "dark pools" qui permettent d'internaliser les transactions au sein d'établissements financiers présentant un risque systémique. Tout l'enjeu à ce niveau est donc de re-réguler ces plateformes et de réaliser une traçabilité des opérations de grè à grè qui représentent plus de 80% des échanges sur les marchés monétaire et obligataire.

    Enfin, on peut envisager un mécanisme de coordination des interventions des banques centrales sur le marché des changes, à travers la généralisation d'accords de swaps multilatéraux par exemple. On pourrait aussi attribuer cette fonction de coordination à la Banque des Règlements Internationaux (BRI) qui intervient déjà pour le compte des banques centrales sur les marchés. Une solution plus audacieuse serait de mettre en place une gestion mutualisée des réserves de change à travers l'utilisation des DTS (Droits de Tirage Spéciaux) du FMI, comme l'avait proposé en 2009 le gouverneur de la banque centrale chinoise, Zhou Xiaochuan. Cette idée reprend des propositions datant des années 1970 qui ont été abandonnées faute de consensus international suffisant. Le G20 sous présidence française pourrait s'inspirer de cette expérience en analysant les causes de son échec.    

    En définitive, face au nouveau "mur de l'argent" créé par l'expansion monétaire sans précédent orchestrée par les grandes banques centrales, la solution pour les Etats passe par une coordination institutionnalisée de leurs actions - ex ante et non plus ex post - et par l'approfondissement du multilatéralisme en matière économique et monétaire.

    La vidéo relative à ce débat sera mise en ligne sous peu.

     


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  • Je reproduis ici le texte de ma chronique publiée récemment sur le site LeMonde.fr

    Guerre des monnaies ou nouvel ordre mondial ?

    par Alexandre Kateb, Economiste, Maître de conférences à Sciences Po

    L’expression « guerre des monnaies » est à la mode. Du ministre des Finances brésilien, Guido Mantega au directeur général du FMI, Dominique Strauss-Kahn en passant par Jean-Claude Trichet, le président de la BCE, les grands responsables économiques et financiers de la planète en ont fait un point de cristallisation de leurs débats et de leur désaccord à l’occasion du G7 Finance et des réunions annuelles du FMI et de la Banque mondiale qui se sont déroulées à Washington.

    Il faut dire que cela rappelle de vieux souvenirs. Comme le souligne Martin Wolff dans le supplément Économie du Monde, en date du 5 octobre 2010, la guerre des monnaies fait référence au débat sur la réévaluation du yen qui avait cours il y a quinze ans dans un contexte de hausse du dollar et de compétition féroce entre les constructeurs automobiles japonais et leurs homologues américains.

    Aujourd’hui ce sont les exportateurs chinois de jouets et d’électroménager qui sont accusés de concurrence déloyale par les syndicats manufacturiers américains et leurs relais au sein du Congrès. La sous-évaluation du yuan risquerait de faire perdre jusqu’à 500000 emplois à l’industrie américaine selon une étude du Peterson Institute proche du Parti Démocrate.

    Tout cela a un air de déjà-vu. En dernier recours quand les gains de productivité ne suivent pas, il est facile d’imputer la responsabilité de ses déboires économiques au cours artificiellement faible de la monnaie de ses concurrents. Nixon lui-même avait eu recours à ce subterfuge en 1970-1971.

    Seulement le monde a beaucoup changé. Si les États-Unis importent beaucoup de produits chinois, c’est parce qu’ils ont délocalisé leur industrie en Chine dans les années 1990-2000. Une réévaluation du yuan pèserait certes sur les sous-traitants chinois, mais elle dégraderait aussi la compétitivité de leurs grands donneurs d’ordres basés de l’autre côté du Pacifique. En définitive, cela pousserait simplement ces derniers à délocaliser les opérations réalisées actuellement en Chine vers d’autres pays à faible coût de main-d'oeuvre comme l’Inde ou le Vietnam.

    En outre, le dollar apparaît aujourd’hui proche de ces points bas si on le compare notamment à l’euro, seule grande devise convertible ayant le même potentiel économique que le billet vert. Faut-il rappeler que le yuan n’en est encore qu’à ses débuts comme devise internationale et qu’il faudra une longue période de transition avant qu’il joue pleinement le rôle de rival du dollar qui serait le sien, en tant que monnaie de la seconde – et bientôt de la première économie de la planète à l’horizon 2025 ?

    En réalité, l’acrimonie avec laquelle le yuan est aujourd’hui jugé aux États-Unis reflète davantage les préoccupations de politique intérieure aux États-Unis – à quelques semaines des élections de mi-mandat qui annoncent un come-back spectaculaire des Républicains - qu’une volonté réelle de remettre en cause le rôle du dollar, en tant que monnaie hégémonique mondiale, qui se traduirait par une dépréciation soutenue de ce dernier.

    L’expression de « guerre des monnaies » masque le fond du problème, beaucoup plus profond, diagnostiqué non par des économistes, mais par des historiens comme Immanuel Wallerstein, auteur d’une réflexion d’inspiration braudélienne sur les transitions hégémoniques. En effet selon Wallerstein toute phase de transition entre deux grandes puissances hégémoniques – les États-Unis et la Chine dans le cas présent – implique une période de désordre lié aux résistances compréhensibles face à la nouvelle donne. Le recentrage de l’économie mondiale sur l’Asie prive en effet les États-Unis de leur rôle de pivot du système économique et monétaire international. Sans parler de l’Europe reléguée au rang de lointaine périphérie dans le nouveau système-monde qui s’annonce. Ces résistances au changement expliquent les incroyables lenteurs des réformes en matière de gouvernance mondiale, à l’instar du processus de repondération des voix au sein du FMI qui fait apparaître le caractère anachronique de règles fixées il y a plus de soixante ans.

    En faisant preuve de courte vue et en raisonnant toujours à « périmètre constant » les grands responsables économiques et financiers de la planète « rejouent constamment la dernière guerre », selon une autre expression tirée de l’art militaire, en fermant les yeux sur les grands bouleversements géopolitiques qui s’annoncent. Quand la technique prend le pas sur la politique, c’est la nature même des grands enjeux qui est obscurcie. C'est pourquoi il faudrait aujourd’hui repenser de manière globale l’architecture du système international, en faisant toute leur place aux nouvelles puissances émergentes (les BRIC, mais aussi des pays à fort potentiel comme l’Afrique du Sud ou l’Iran), plutôt que de se focaliser sur des enjeux mercantilistes à court terme.

     


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