• Voici mon interview du 15 juillet en direct sur Radio France International toujours à propos de Agricultural Bank of China et plus généralement de l'émergence des banques chinoises dans le Top 10 des institutions financières mondiales (en termes de capitalisation boursière).

     


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  • Mon intervention dans le journal de l'économie de RFI

     

    Et ma chronique publiée sur le site Lemonde.fr (retrouvez l'original à l'URL suivante).

    Paradoxes de la finance chinoise

    chronique : Paradoxes de la finance chinoise

    par Alexandre Kateb, Economiste, Directeur du cabinet COMPETENCE FINANCE

    L’introduction en bourse de l’Agricultural Bank of China (AgBank) s’annonce comme la plus grosse opération d’ouverture du capital de tous les temps. L’opération devrait permettre de lever plus de 22 milliards de dollars, dépassant celle déjà considérée comme historique de l’Industrial and Commercial Bank of China (ICBC) réalisée avant la crise financière des subprimes.

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    Avec cette introduction en bourse d’un mastodonte financier - la plus grande banque au monde par le nombre de clients évalués à 350 millions, soit plus que toute la population des États-Unis —, la Chine envoie un message très fort au reste du monde. Une époque est définitivement révolue celle de la domination de Wall Street sur la planète finance. Désormais, les banquiers qui comptent se trouvent dans les pays émergents (Chine, Inde, Brésil) et le couple « Shanghai — Hong Kong » pourrait remplacer le couple « New York — Londres ». Ce n’est qu’une question de temps.

    Pourtant, l’introduction en bourse d’AgBank révèle les paradoxes de la finance chinoise et plus généralement de l’évolution très particulière du capitalisme chinois. Comme le rapporte le Wall Street Journal , le management de la banque n’a cessé de cultiver un double discours dans la période précédant l’ouverture du capital, rassurant les investisseurs d’une part sur le profil de la banque publique en insistant sur son positionnement sur les segments les plus dynamiques du marché (entreprises répondant au boom de la demande domestique), tout en promettant de rester « la banque des agriculteurs », ce qui était sa vocation originelle à sa création au début des années 1980.

    On serait pourtant bien en peine de trouver un seul fermier chinois qui a bénéficié du concours financier de l’Agbank. Le journaliste du Wall Street Journal en a fait l’expérience en menant son enquête. En réalité les fermiers chinois tout comme les petits entrepreneurs urbains recourent surtout à l’autofinancement, aux amis et à la famille pour obtenir les fonds nécessaires au développement de leur activité.

    Entre une « vocation sociale » affirmée par le discours officiel — la banque contribue officiellement à la réalisation des « Trois objectifs » de la politique gouvernementale à destination des campagnes : soutenir les industries agricoles, améliorer les infrastructures dans les communautés rurales et les conditions de vie des fermiers — et le désir d’être un acteur financier à part entière avec une logique de rentabilité économique éprouvée, AgBank témoigne de la rupture définitive avec les postulats du « socialisme de marché » que Deng Xiaoping avait essayé de mettre en place entre 1978 et 1992, date de son « voyage dans le Sud » au cours duquel il avait finalement donné l’impulsion décisive à une accélération de la libéralisation économique avec le démantèlement progressif des grandes entreprises publiques déficitaires, la recapitalisation des banques publiques et l’entrée de la Chine à l’OMC.

    On peut dire que ces objectifs ont été atteints et même dépassés aujourd’hui. L’économie chinoise d’aujourd’hui fait penser aux années 1920 aux États-Unis, avec un boom débridé de la construction, des transactions financières de plus en plus impressionnantes et des opérations industrielles qui permettent de faire fortune en l’espace d’une décennie. Le cœur de ce capitalisme chinois ne se trouve ni à Pékin ni à Shanghai, mais à Chongqing, surnommée la Chicago chinoise, une immense mégalopole située à l’intérieur des terres au confluent des fleuves Jianling et Yang Tsé et qui fut la capitale du gouvernement nationaliste de Tchang Kai Tchek avant son exil à Taïwan. La ville est prise en quasi-permanence dans un fog qui empêche d’y voir à plus de dix mètres et possède une réputation sulfureuse, car elle abriterait de puissants réseaux mafieux datant de l’époque impériale — les fameuses sociétés secrètes ou Triades — dont le gouvernement communiste n’a jamais vraiment pu venir à bout. Un univers où la collusion entre le monde des affaires, le monde politico-administratif et le crime organisé est notoire.

    L’invocation des politiques sociales par AgBank est une sorte de passage obligé imposé par l’inertie des structures politiques en Chine, mais cette invocation s’apparente à un clin d’œil désabusé — à la Goodbye Mao ! — à un monde qui n’existe plus que dans les livres d’histoire.


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    Depuis le début de l'année 2010, on observe un intérêt marqué des analystes politiques et des journalistes pour la relation bilatérale "Chine - USA". Cette dernière a connu un certain nombre de tensions récemment avec la colère chinoise contre des ventes d'armes américaines à Taiwan ou encore la visite du Dalaï Lama à Washington. Mais l'heure est aujourd'hui à l'appaisement, et après la visite surprise à Pékin du Secrétaire au Trésor américain Tim Geithner c'est le Président chinois Hu Jintao en personne qui a fait le déplacement à Washington, à la grande satisfaction de Barack Obama.

    Officiellement ce déplacement du chef de l'Etat chinois avait pour but d'assister au sommet sur le désarmement nucléaire qui s'est achevé ce mardi à Washington. Officieusement il s'agissait de sceller la "réconciliation" entre les deux grandes puissances après les tensions récentes, notamment autour de la question de l'appréciation du yuan, comme le notait Eric Le Boucher dans Les Echos. Il s'agissait aussi pour les Etats-Unis d'amadouer la Chine pour obtenir son soutien, ou en tout cas sa neutralité bienveillante, sur le dossier nucléaire iranien dont les Etats-Unis et d'autres pays comme la France souhaitent accélérer le traitement.

    La plupart des analyses sur la relation "Chine - Etats-Unis" se contentent en effet de souligner l'interdépendance commerciale et financière qui existe entre les deux pays. Pour simplifier, les Etats-Unis achètent des biens fabriqués par les Chinois que ces derniers leurs vendent à crédit en achetant les bons du Trésor américain. La crise financière n'a en rien modifié cette réalité.

    Mais le débat pourrait bientôt se déplacer de la sphère purement économique vers la sphère de la "haute politique". A cet égard, le point de vue intéressant de Wen Liao, présidente d'un cabinet de conseil en stratégie et géopolitique dans le Financial Times apporte de la hauteur au débat. Ce point de vue intitulé "Bismark's Lessons for Beijing" fait un rapprochement audacieux et pertinent entre la situation de la Chine d'aujourd'hui et celle de l'Empire Allemand à la suite de l'unification allemande de 1871, orchestrée de main de maître par le Chancelier Otto von Bismarck.

    L'émergence de la Chine comme grande puissance au XXIème siècle rappelle en effet étrangement celle de l'Allemagne bismarckienne de la fin du XIXème siècle. Même système authoritaire à l'intérieur légitimé par un boom économique sans précédent. Même volonté de conciliation à l'extérieur - avec les concepts d"équilibre des puissances et de politique de bon voisinage - et même obsession pour l'achèvement de l'unité territoriale et spirituelle de la nation. Le credo de l'émergence pacifique de la Chine proclamé par les leaders chinois fait indubitablement penser à la politique "défensive" de la Prusse à l'époque de Bismarck.

    Si l'histoire se répète cette phase d'émergence pacifique pourrait prendre fin tout comme la Prusse bismarckienne s'est mûe en Empire allemand expansionniste et guerrier. Les théoriciens des relations internationales américains de feu Samuel Huntington à John Mearscheimer (1) ne s'y trompent pas. Selon ce dernier, l'émergence de la Chine risque d'être tout sauf pacifique. Il souligne en effet que l'Empire du Milieu va naturellement aspirer à un rôle d'hégémonie régionale en Asie - rôle qu'il a au demeurant exercé pendant près de deux mille ans - et développer une sorte de pendant de la doctrine Monroe américaine. Mais les Etats-Unis ne pourront pas rester les bras croisés face à cette volonté d'hégémonie chinoise en Asie. Leur doctrine stratégique actuelle qui date de la période de Georges W. Bush proclame en effet qu'ils ne sauraient tolérer de "peer competitor" où que ce soit dans le monde.

    Et même si la Chine et les Etats-Unis se réconcilient à court terme, il est claire que leurs intérêts divergent à plus long terme. Quand la Chine pourra se passer économiquement du consommateur américain, elle pourra alors réaffirmer sa souveraineté dans d'autres domaines. Saura-t-elle convaincre d'autres Etats de la région de la suivre et de tisser des alliances autour d'elle ? Tel est le grand enjeu de la diplomatie chinoise au XXIème siècle : exercer une attraction suffisamment forte sur ses voisins et accroître son soft power, qui repose plus sur la persuasion que sur la contrainte, par opposition au hard power. A défaut, le réveil sera douloureux pour le monde entier.

    Notes

    (1) Cf. John Mearscheimer, China's Unpeaceful Rise, Current History, Avril 2006

     

     

     

     


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  • Le système du "hukou" ou passeport intérieur qui permet de contrôler les mouvements de population et constitue un des nombreux leviers cachés de la croissance chinoise, en créant une "armée de réserve" de travailleurs migrants sans droits (les mingong) semble en train de vaciller. Voir à ce sujet l'article du journal Le Monde.

    Apparemment cela ne se fera pas du jour au lendemain mais l'éditorial de plusieurs journaux dénonçant ce système archaïque et dépassé fera date à mon avis.

    Finalement c'est l'économie qui pourra peut-être faire évoluer le système politique chinois beaucoup plus rapidement que tous les discours des défenseurs de la démocratie.

    S'il maintient le statu quo face à ces demandes le Parti communiste chinois pourrait bien se retrouver - ironie du sort - condamné car bientôt il ne reflétera plus "les rapports de forces réels dans le système de production" selon la théorie marxiste la plus orthodoxe.

    Au passage, cela ressemble un peu à la fin de l'Apartheid. Les Noirs étaient maintenus loin des villes et de leur
    lieu de travail. C'était le seul moyen que les blancs urbanisés avaient trouvé au début du XX siècle pour préserver leur pouvoir politique sur la majorité noire.

    Pourtant cette situation était devenue intenable et freinait la croissance économique. Finalement se sont les milieux des affaires qui ont hâté la fin de l'Apartheid en réclamant plus de cohérence. Frederik De Klerk lui-même, pourtant très conservateur, a fini par l'admettre : "il faudra s'habituer à la présence de millions de Noirs aux abords de nos grandes villes, car on ne peut pas lutter contre les lois d'airain de l'économie". On connaît la suite...


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