• De la crise grecque à la crise de l'euro

    Source de l'illustration : Les Echos

    Décidément, les marchés ne sont pas convaincus par le plan de sauvetage massif de 110 milliards d'euros préparé par les pays européens et le FMI pour la Grèce. Les bourses continuent de dévisser et l'euro est au plus bas à 1,30 contre le dollar. 

    Nous avions déjà exprimé notre scepticisme sur la capacité d'un plan de soutien à court terme à la Grèce à redresser la situation de manière durable. Sur la base d'un calcul nous avions montré le caractère insoutenable de la dette grecque même refinancée avec un crédit "bonifié" à 5%.  Rappelons le raisonnement : pour stopper la dégradation des comptes publics il faudrait que la Grèce dégage un excédent budgétaire avant paiement de la dette (solde primaire) équivalent à 10% du PIB. Ce qui est tout simplement impossible. Le plan européen prévoit un retour à un déficit budgétaire de 4% en 2012-2013 ce qui est nettement insuffisant pour restaurer la solvabilité du pays à long terme. Et même cette solution est impraticable en raison de son coût social. Elle risque en outre de transformer la récession actuelle du pays en véritable "dépression" à travers le mécanisme vicieux de la déflation : baisse des prix et des salaires, appréciation du poids réel de la dette publique et privée dans un cycle sans fin à la japonaise. La raison en est simple : la Grèce ne peut pas dévaluer sa monnaie pour relancer son économie. Contrairement à l'Argentine en 2001 ou à la Russie en 1998.

    C'est aujourd'hui au tour de l'Espagne d'être prise dans la tourmente, après le Portugal et la Grèce. Les marchés commencent à se poser des questions sur la solvabilité réelle de ces Etats dont le modèle de croissance leur rappelle celui de la Grèce. Il y a là clairement une exagération mais la situation de l'Espagne est néanmoins préoccupante sur le plan budgétaire avec un déficit à 11% du PIB et des perspectives de reprise fragile. Dans ce type de configuration, un pays ne peut "casser" sa reprise par une cure d'austérité trop sévère. Or une augmentation brutale du coût de refinancement budgétaire risque de précipiter un "worst case scenario" dont le caractère auto-réalisateur justifie a posteriori le pari spéculatif pris par les investisseurs.

    L'Europe continue à jouer au chat et à la souris avec les marchés financiers. Ces derniers ont parfaitement intégré la lenteur des mécanismes de décision et leur caractère ad hoc en l'absence d'un mécanisme de résolution de crise clair et transparent. Ce jeu non coopératif risque de coûter cher à l'Europe. Les spéculateurs ayant intérêt à pousser le plus loin possible leur logique en sachant qu'ils pourront récupérer la mise et couvrir leurs positions "vendeuses" en empochant une très belle plus-value. Le paradoxe, c'est que l'essentiel des détenteurs de la dette grecque sont des banques de la zone euro qui sont en train de "jouer contre leur camps" en affaiblissant les Etats, donc la zone dans son ensemble. On se rappelle que ces mêmes banques avaient bénéficié de plans de sauvetage massifs à l'automne 2008 et d'un effacement d'une partie de leurs ardoises colossales de produits toxiques, moyennant un tour de passe-passe comptable (voir notre article à ce sujet). Tout cela au frais du contribuable européen

    La meilleure solution dans le cas grec et dans les autres crises qui pourraient se présenter aurait été de négocier une restructuration de la dette avec les créanciers que sont les grandes banques françaises et allemandes. Le secteur financier aurait ainsi porté une partie du coût d'ajustement et aurait eu l'occasion de se racheter aux yeux de l'opinion. Ce n'est pas la solution qui a été privilégiée parce qu'il fallait agir dans l'urgence et sans doute parce que l'idée de restructurer une dette d'un pays de l'OCDE était encore tabou il y a peu. Aujourd'hui ce genre de tabou n'a plus lieu d'être. Même Angela Merkel a admis récemment qu'il fallait réflechir à une "procédure de faillite" ordonnée pour les Etats  à l'instar de celle qui existe pour les entreprises.

    Une restructuration ordonnée est de plus la meilleure manière d'arrêter la spéculation en indiquant clairement les limites de cette dernière. Elle pourrait aussi faciliter l'intervention de la Banque Centrale Européenne très réticente à prendre sur son bilan des obligations souveraines car ses statuts lui interdisent théoriquement de financer les Etats membres. Il faut aujourd'hui sortir de cette orthodoxie à courte vue aux conséquences désastreuses, pour faire démentir ceux qui critiquent parfois à juste raison l'impuissance européenne et les "nains de Francfort". Il est temps de rétablir les droits du Politique sur les marchés. L'histoire montre que ces derniers ont la mémoire courte. Ils se presseront dans quelques années pour financer à nouveau des Etats qui ont fait défaut. Pour preuve, l'Argentine, qui vient de réaliser sa première levée de fonds sur les marchés de capitaux depuis son défaut en 2001, a reçu un accueil plus que favorable de la part de ces mêmes marchés qui avaient vilipendé le gouvernement argentin.

    Ce que les marchés sanctionnent c'est l'incertitude. Or l'euro a été créé justement pour réduire l'incertitude. Il est temps que ce rôle soit assumé pleinement quitte ce que les banques partagent les coûts d'un apprentissage dans la douleur de la construction européenne.

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     


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