• Sommet du G20 : des intentions louables mais les questions qui fâchent ont été évacuées

    J'ai été un peu sévère dans mon précédent article sur le sommet du G20 à Londres. Je reconnais avoir sous-estimé la détermination des participants à parvenir à un accord, même au prix de compromis arrachés à la dernière minute. L'histoire dira qui a forcé la main à qui. Mais la posture de Nicolas Sarkozy qui a menacé de quitter la table des négociations a sans doute permis de rééquilibrer la balance au dernier moment, en remettant des éléments sur la régulation financière dans le texte final du communiqué - alors que les anglo-saxons auraient sans doute préféré un simple renvoi à des documents techniques joints en annexe.

    Barack Obama a eu à coeur de ne pas froisser ses partenaires européens, en concédant des modifications sur la forme. Il a convaincu les Chinois de ne pas bloquer la publication d'une liste de l'OCDE sur les centres offshore non coopératifs, alors que ces derniers avaient menacé d'opposer leur véto, au motif que Hong Kong et Macao pourraient être visés. Cette liste, ou plutôt ces trois listes qui classent les centres offshore par degré de coopération, constituent la seule véritable mesure médiatique du sommet en matière de régulation financière.  

    Pour le reste, je ne vais pas faire l'inventaire des mesures technique citées dans le communiqué, et qui avaient déjà fait pour la plupart l'objet d'un large consensus. Il s'agit essentiellement de modifier les normes prudentielles (Bâle II) pour tenir compte des effet du cycle économique sur les bilans des banques, selon un principe de bon sens : accumuler des réserves pendant les beaux jours pour mieux faire face aux mauvais jours. En outre, il s'agit de modifier les règles comptables en amendant la fair value pour mieux tenir compte du caractère illiquide de certains actifs, et en facilitant le transfert d'actifs du portefeuille de négociation vers le portefeuille d'investissement, pour lequel c'est la comptabilité au coût historique qui s'applique.

    On pourra également souligner la volonté de renforcer le Forum de Stabilité Financière (FSF), un "machin" créé en 1997-1998, après la crise asiatique et la faillite du fonds spéculatif LTCM, pour surveiller le risque systémique, mais qui s'est contenté jusqu'à présent d'être un organisme technique sans véritable poids politique. Pour avoir participé à la préparation de réunions de ce Forum, j'ai surtout pu mesurer le caractère suranné des débats, toujours en retard d'une crise sur les apprentis sorciers de la finance, comme l'a montré la crise des subprimes. La logique gradualiste qui vise à faire passer un machin sans substance à une organisation internationale avec un vrai pouvoir de décision risque de montrer ses limites rapidement. D'autant que le FSF émet seulement des recommandations et non des règles "en dur". Au lieu de multiplier les structures, il aurait mieux fallu renforcer le FMI en intégrant la régulation macro-prudentielle à ses missions, ou en donnant plus de poids à la Banque des Réglements Internationaux (BRI), la "banque des banques centrales", qui assure le secrétariat du Forum. 

    Quant à la recapitalisation des banques et au nettoyage des actifs toxiques, le communiqué ne les mentionnent presque pas. Aucune coordination n'est prévue dans ce domaine. Il n'est pas non plus fait allusion à la création d'un régulateur financier au niveau mondial, mais à un simple dialogue annuel entre régulateurs financiers des différents pays.

    Non, la vraie réussite de sommet est ailleurs.

    Elle est incontestablement liée aux efforts financiers déployés pour relancer l'économie mondiale, à travers les ressources considérables accordées au FMI - le vrai gagnant de ce sommet ! - dont la capacité d'intervention est portée de 250 à 1000 milliards de dollars (en incluant les 250 milliards de droits de tirages spéciaux créées ex nihilo), et dont la mission consiste à apporter de la liquidité aux économies émergentes qui ont le plus souffert de la crise. A cela s'ajoutent 250 milliards de dollars de crédits publics pour le financement du commerce international, qui participent au même objectif : palier la contraction du crédit bancaire privé par des ressources publiques. Là aussi, il ne faut pas y voir un quelconque altruisme, mais une reconnaissance de l'interdépendance  entre les économies développées et les économies émergentes : les secondes font travailler le capital des premières. C'est une logique pragmatique et utilitariste qui prévaut, selon des intérêts réciproques bien compris. Au final, cette injection de liquidité bénéficiera largement aux multinationales des pays développés et à celles de quelques pays émergents aux ambitions croissantes (Chine, Brésil, Corée du Sud, Mexique, ..).

    Les pays pauvres eux méritent bien moins d'égards, puisqu'ils ne contribuent pas à la croissance mondiale. Le communiqué du G20 rappelle bien l'attachement des pays signataires aux Objectifs du Millénaire (réduction de moitié la pauvreté dans le monde d'ici 2015), mais cela fait longtemps que personne ne croît plus à ces objectifs, y compris au sein de l'agence onusienne chargée de superviser les progrès dans ce domaine (voir à ce sujet le dernier rapport d'avancement).    

    Quant à la réforme des institutions financières internationales, FMI et Banque mondiale, qui constituait la première exigence des grands pays émergents, elle se fera, certes, mais à un rythme très lent, qui ne remettra pas fondamentalement en cause la prépondérance des Etats-Unis et de l'Europe dans ces instances (voir la liste des quotes-parts).

    De même, au niveau monétaire, le dollar restera encore longtemps la devise de réserve mondiale, et les propositions russo-chinoises d'une nouvelle monnaie internationale ne rencontreront au mieux, qu'une attention polie. La Chine, qui pourrait prétendre à un rôle plus important au sein du système international, - voire un jour lointain au premier rôle -, reste encore un pays en développement, avec un revenu moyen par habitant de 5000 dollars, contre 25000 aux Etats-Unis. L'empire du milieu est encore beaucoup trop dépendant des exportations et ne propose pas de modèle de civilisation universel capable de susciter un engouement hors de ses frontières, comme l'avait fait l'Union soviétique en son temps, et comme continuent à le faire les Etats-Unis.

    Barack Obama peut afficher un sourire éclatant. Il aura réussi le double pari de faire oublier au monde entier l'unilatéralisme de l'Administration Bush, tout en rassurant les Américains sur leur capacité de leadership mondial. Le sommet du G20 ne déroge pas à cette règle. La grammaire des affaires restera encore longtemps la chasse gardée des Anglo-saxons. Pour le meilleur et pour le pire.


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